Des associés majoritaires qui votent contre la distribution de dividendes alors qu’ils sont rémunérés par la société, contrairement aux minoritaires, commettent ils un abus de majorité ?

L’AFFAIRE

Rappel : selon une jurisprudence bien établie, les associés majoritaires d’une société ne commettent un abus de majorité que lorsqu’ils imposent une décision qui porte atteinte à l’intérêt social et aboutit à une rupture d’égalité entre les associés au détriment des minoritaires.

Or dans cette affaire, un associé minoritaire (43,36 %) reprochait aux majoritaires d’avoir affecté la totalité du bénéfice (550.000 €) à un compte de réserves, le privant ainsi de dividendes.

Notons que, selon la jurisprudence ci-dessus, cette seule décision de ne pas distribuer de dividendes ne constitue pas un abus de majorité. Elle n’est pas contraire à l’intérêt de la société et elle n’entraîne pas de rupture d’égalité dans la mesure où elle a pour conséquence de priver de dividendes aussi bien les associés minoritaires que les majoritaires.

Mais en l’occurrence, il se trouve que les associés majoritaires bénéficiaient, par leurs fonctions de direction au sein de la société, de rémunérations ou d’avantages en nature, dont l’associé minoritaire ne bénéficiait pas. C’est donc à ce titre que celui-ci considérait qu’il y avait rupture d’égalité, dans le sens où les associés majoritaires étaient les seuls à profiter des bénéfices de la société, via leurs rémunérations.

LES JUGES

Dans un premier temps, la cour d’appel donne raison à l’associé minoritaire, considérant comme lui que la mise en réserve de la totalité du bénéfice constituait, au préjudice de l’associé minoritaire, une rupture d’égalité dès lors que les associés majoritaires bénéficiaient de rémunérations alors que lui-même n’en bénéficiait pas.

Mais la Cour de cassation casse et annule cet arrêt.

Celle-ci remarque en effet qu’en se bornant à mettre en avant le seul fait que les associés majoritaires avaient perçu, à raison de leurs fonctions de direction, des rémunérations ou des avantages en nature, sans rechercher si ces rémunérations étaient injustifiées ou excessives et si, partant, elles aboutissaient à ce que les sommes mises en réserve soient détournées, au moins partiellement, au profit des associés majoritaires et au détriment de l’associé minoritaire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale.

L’affaire est donc renvoyée pour être rejugée.

Mais dans l’immédiat, cette décision nous apporte un nouvel enseignement, à savoir que des associés majoritaires ont parfaitement le droit de voter contre la distribution de dividendes alors même qu’ils sont les seuls à être rémunérés par la société, pourvu que leurs rémunérations ne soient pas injustifiées ou excessives.

Néanmoins attention : rappelons que si ce refus de distribuer des dividendes devient systématique, privant ainsi les associés minoritaires de dividendes pendant plusieurs années, il peut constituer un abus de majorité s’il n’est pas clairement justifié, notamment s’il n’a pas pour objet de faire face à des investissements importants ou d’améliorer la trésorerie de la société.

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